Le texte adopté à l'unanimité par le CSI le 18 février est disponible sous ce lien et ci-dessous.

Le Conseil Scientifique de l’InSHS tient à faire valoir ses très vives inquiétudes auprès de la direction de l’InSHS et, plus globalement, du CNRS après les propos déplacés de Frédérique Vidal annonçant demander une enquête sur « l’islamo-gauchisme » à l’Université, qu’elle souhaitait initialement confier au CNRS puis désormais à l’Alliance Athéna, laquelle sera prochainement présidée par Antoine Petit, le président du CNRS.

Comme l’a très justement fait remarquer la Conférence des Présidents d’Universités dans un communiqué cinglant, “L’islamo-gauchisme” n’est pas un concept. C’est une pseudo-notion dont on chercherait en vain un commencement de définition scientifique, et qu’il conviendrait de laisser, sinon aux animateurs de Cnews, plus largement, à l’extrême droite qui l’a popularisée. » Un maniement plus éclairé des concepts et une meilleure connaissance des recherches menées en Sciences Humaines et Sociales sur la race ou le genre éviteraient à la Ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation de céder à des facilités idéologiques dont les fins ont visiblement peu à voir avec le développement de la recherche en France ou l’amélioration de la situation si éprouvante des Universités en pleine pandémie.
Par ailleurs, la Ministre voudrait donner à cette enquête la mission de « distinguer ce qui relève de la recherche académique et ce qui relève du militantisme et de l’opinion », en instaurant ce qui s’apparente à une police de la pensée relativement inédite en régime démocratique et, plus encore, dans les instances scientifiques. Nous tenons à rappeler que la recherche, aussi bien en sciences humaines et sociales que dans les autres disciplines scientifiques, se construit suivant le principe de la liberté de pensée, qui permet un échange contradictoire et fructueux de toutes les approches, dès lors qu’elles sont rigoureusement construites, respectueuses des procédures reconnues et administrées selon des protocoles validés par les pairs. Ce principe fondamental de la liberté académique est ce qui anime l’ensemble des recherches menées au CNRS et à l’université. Il est désolant de devoir le rappeler.

Le CSI voudrait aussi souligner que toutes les recherches menées au CNRS et à l’université sont évaluées très régulièrement, dans le cadre du Comité National pour les chercheurs CNRS et du CNU pour les universitaires, par un ensemble de pairs qui jugent à la fois de la qualité scientifique des productions, de leur pertinence, et de leur intérêt. Il est stupéfiant que la Ministre de la recherche ne semble pas savoir comment fonctionnent les institutions dont elle est censée avoir la charge et réclame à une Alliance qui n’en a pas les compétences ce travail qui est déjà réalisé collectivement et qui fait précisément la robustesse des travaux du CNRS qui sont menés avec les universitaires et au sein des universités.
Enfin, le CSI rappelle que nombre de travaux sur les études post-coloniales, décoloniales, etc. existent déjà, qu’ils soient publiés par des chercheurs du CNRS ou par des universitaires, et sont publics : il suffirait à Madame la ministre de les consulter pour élever un peu le débat.

Pour toutes ces raisons, le Conseil Scientifique de l’InSHS, tout en prenant acte de la première mise au point bienvenue apportée par la direction du CNRS, demande à celle-ci de refuser fermement d’endosser, que ce soit en son nom ou au sein de l’Alliance Athéna, la responsabilité de répondre à une « enquête » ou une « étude » dont le sujet n’est précisément pas une question scientifique et dont les prémisses sont très inquiétantes dans une société démocratique. Nous espérons qu’elle rappellera à la Ministre les propos qu’elle a tenus le 26 octobre 2020 selon lesquels l’Université est « le lieu où s’apprennent le doute comme la modération ainsi que la seule de nos institutions capables d’éclairer l’ensemble de la société, de l’école aux médias, par une connaissance scientifiquement établie, discutée et critiquée collégialement. »

Nathalie VIENNE-GUERRIN
Présidente du Conseil Scientifique de l’InSHS

Texte adopté à l’unanimité le 18 février 2021

Destinataires :
− Frédérique Vidal, Ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.
− Anne Laude, Conseillère éducation, enseignement supérieur, recherche et innovation.
− Antoine Petit, président-directeur général du CNRS.
− François-Joseph Ruggiu, directeur de l’InSHS
− Jacques Maddaluno, directeur de l’INC, Stéphanie Thiébault, directrice de l’INEE, Astrid Lambrecht, directrice de l’INP, André Le Bivic, directeur de l’INSB, Jean-Yves Marzin, directeur de l’INSIS, Pascal Auscher, directeur de l’INSMI, Nicolas Arnaud, directeur de l’INSU, Ali Charara, directeur de l’INS2I, Reynald Pain, directeur de l’IN3P3.
− Yaël Grosjean, président du CS de l’INSB, Claudine Gilbert, présidente du CS INP, Olivier Drapier, président du CS IN2P3, Serge Simoens, président du CS INSIS, Beatrice Marticorena, présidente du CS INSU, Olivier Sandre, président du CS INC, présidente du CS INSHS, Rémi Carles, président du CS INSMI, Isabelle Queinnec, présidente du CS INS2I, Patricia Gibert Brunet, président du CSI INEE.
− Olivier Coutard, président de la conférence des présidents du Comité national.
− Dorothée Berthomieu, présidente du Conseil scientifique.
− Dmitry Peaucelle, coordinateur de la C3N.
− Les présidents de sections de l’InSHS.