La ruine antique, considérée comme une source archéologique, une référence, un objet de médiation voire de fantasmes a modelé la vision des érudits en Europe dès le XVIIe siècle. Portée au-delà d’une valeur historique, elle peut être porteuse de valeurs intrinsèques comme témoignage symbolique et mémoriel du passé. Aujourd'hui, cette vision a-t-elle influencé les choix de restauration ou de non restauration sur des sites archéologiques antiques et notre vision contemporaine de la conservation patrimoniale ?
Ma question concerne les trois tables rondes. Quel rôle les étudiants chinois peuvent-ils jouer dans le futur de la connaissance et de la promotion de l’Antiquité?
Ayant animé en 2005 et 2007 des séminaires pour étudiants chinois se spécialisant en histoire de France, à Peking University, Beijing, j’ai pu constater le vif intérêt pour l’Occident et sa culture chez de nombreux jeunes et moins jeunes, qui portent en eux l’enthousiasme de la réouverture culturelle de l’après-Mao. Telle brillante étudiante, d’abord diplômée en Littérature chinoise, s’était par exemple spécialisée en langue grecque ancienne et moderne. Une fondation privée grecque contribuait dans cette prestigieuse université à fiancer cet enseignement.
De ces brillants étudiants à la recherche d’une carrière d’études, et très sensibles à toute incitation sous la forme de cours offerts et de mentors, il en existe des centaines de milliers en Chine. Pourquoi ne pas leur ouvrir plus largement la voie des langues et des cultures de l’Antiquité ? Certes, il faut une dose d’idéalisme pour s’y consacrer, plutôt qu’à des études de business, mais l’homme qui aura pratiqué une ouverture humaniste même seulement pendant ses études sera le garant d’un futur plus riche.
Ces étudiants, bien que disposant de nombreuses petites bourses d’études à l’étranger, ont le plus grand besoin d’accueil et de suivi dans les pays européens où ils séjournent. De même, une multiplication des échanges est souhaitable, les conférenciers occidentaux pouvant apporter mises à jour, incitations, et ces relations humaines qui contribuent tant à orienter les jeunes.
Comment pouvons nous multiplier massivement ces échanges et ces incitations, dans la fenêtre de temps qui nous reste, où la Chine demeurera ouverte et profondément intéressée à l’Occident et à son passé ?
Luisella Brunetti Simpson
Peut-on espérer, dans une Europe en crise et dont le déficit culturel va croissant, une redéfinition de "l'identité littéraire" de l'Europe dans laquelle la matrice latine, linguistique d'abord-au-delà évidemment de son lien avec les langues romanes- mais aussi philosophique, littéraire, juridique, enfin débarrassée de tous les vieux oripeaux dont elle a été longtemps affublée, pourrait, devrait jouer un rôle dynamique et fédérateur, de manière à faire d'un enseignement repensé du latin le "pivot des études comparées" en Europe, pour le dire dans les termes de George Steiner? Sans le substrat commun et nourricier du latin, ce sont en effet les grands lieux et les grands noms de la littérature européenne, Pétrarque, Dante, Montaigne, Goethe, Shakespeare, Cervantès qui restent menacés d'une marginalisation exotique et éclatée dont ne peut que pâtir un projet commun d' éducation européenne. Et compte tenu de la singularité linguistique et littéraire que revêt pour la France cette matrice latine, sa responsabilité historique et politique n'est-elle pas davantage engagée dans ce geste renaissant ?
Cécilia Suzzoni, présidente fondatrice, présidente d'honneur de l'Association ALLE, le latin dans les littératures européennes (http://www.sitealle.com)
D'un point de vue historique et culturelle, la Turquie d'aujourd'hui a fait partie intégrante du monde antique. En plein débat sur l'entrée de cette dernière dans l'UE et alors que les liens avec la Grèce sont toujours tendus, ne serait-il pas de bon ton de rappeler au grand public des choses qui sont pour les chercheurs des évidences : la présence de Troie, Homère, Hérodote, Galien, les merveilles du monde d'Halicarnasse ou d'Ephèse, l'autel de Pergame... tout cela vient de Turquie.
Au delà d'Athènes, ma question est simple: comment participer ? En effet, avec Yohann le Tallec désormais au centre culturel français de Prague, nous avons abordé ce sujet avec le livre Léonidas, Histoire et Mémoire d'un sacrifice (Paris, 2013). Dans le domaine qui est le mien il s'agissait de voir comment la culture européenne, nourrie de textes antiques à partir de la Renaissance , avait utilisé et réutilisé ce thème paradoxal, la défaite comme signal de la victoire finale ! Et nous avons vu qu'effectivement , les notions de Liberté, de Citoyenneté, de Patrie , de suprématie de la Loi s'y enracinaient. La pensée occidentale est liée à la lecture de ces textes grecs, même en dehors des évidentes notions de démocratie ou d'art. Y renoncer, c'est tuer la pensée occidentale moderne. Jacqueline Christien.
Culture européenne ou culture tout court ? Quand on voit le nombre de gens de toutes origines se précipiter dans les grands musées du monde - archéologiques ou non - ne doit-on pas parler de culture tout court ?
La recommandation avant-gardiste de Giuseppe Verdi adressée à Francesco Florimo (lettre écrite à Gênes, le 5 juin 1871) n'est-elle pas encore d'actualité ? : "Torniamo all'antico e sarà un progresso" (Retournons à l'Antiquité, ce sera un progrès)
Les études de l'Antiquité seraient-elles moins malmenées dans les programmes éducatifs s'il existait un programme de recherche offrant à l'appréhension des problèmes sociaux contemporains une perspective historique plus profonde et, par là, de nouvelles pistes de réflexion ?
Comment passer d'une réflexion sur la culture "européenne" à une réflexion plus large? (par exemple on voit de plus en plus de publications scientifiques de Japonais sur "nos" disciplines")
Vivant en Allemagne et ayant pas mal voyagé en Europe, j'ai souvent pris conscience du rapport tout autre au passé antique et à la transmission des Humanités, en particulier entre pays anglo-saxons - la reine Budicca en Angleterre, Arminius ou Hermann en Allemagne sont des héros de la rébellion contre "l'occupant romains" - et les pays latins, avec notre héros national Vercingétorix, le vaincu au fond. En Allemagne même, il y a l'au-delà et l'en-deçà du Rhin - la partie plus latine et française, et le royaume de Charlemagne (et d'Alcuin). Ne serait-il pas utile d'envisager une journée sur la confrontation des points de vue entre pays d'Europe ? A travers aussi les traductions : l'humour d'un Goscinny a posé bien des problèmes à son traducteur allemand (23 ouvrages !) le comte von Rothenburg ou Rubricastellanus. Et les traducteurs de Harry Potter en latin et grec ancien s'expliquent longuement sur leurs choix.
Cette journée me titille depuis longtemps, dès la fondation du Festival Européen Latin Grec en 2005 à Bécherel où nous avions invité Rubricastellanus.
Deuxième question : quelqu'un veut-il participer, à charge ou à décharge, à notre matinée du "Procès des Humanités" le 20 mars, à l'ENS de Lyon ?
Vous pourrez trouver tous les renseignements sur le Festival à l’adresse www.festival-latin-grec.eu en particulier aux onglets “Presse” et “Archives”. Quant au programme, vous voudrez bien le trouver ci-joint.