Pour suivre ou contribuer à l'évènement sur twitter, un hastag se précise : #AEGeAn (Assemblée des Etats Généraux de l'Antiquité). A bientôt en ligne !
Pourquoi le latin et le grec aurait-il à s'ouvrir sur d'autres disciplines quand ces autres disciplines bénéficient d'une plus grande notoriété (et crédibilité parfois) ? Ces autres disciplines ne pourraient-elles pas justement offrir une approche de ces langues et cultures de l'Antiquité ?
EX : étudier AUSSI l'histoire des mathématiques en cours de mathématique ?
En tant que professeur de lettres classiques, doctorant en histoire ancienne, j'ai deux questions d'ordre pratique à poser. 1° Dans le lycée où j'enseigne (et je crois que c'est un cas assez général), les élèves qui ont un projet en rapport avec l'histoire se tournent de préférence vers la voie économique et sociale, plutôt que vers la voie littéraire. Serait-il possible d'agir collectivement auprès des autorités compétentes, afin que le latin puisse être pris en "option lourde" (c'est-à-dire à l'écrit, coefficient 4) par ces élèves de la voie ES ? Jusqu'à présent, seuls les élèves de la voie L le peuvent (et il n'y a pas foule). Cela impliquerait évidemment que l'oeuvre mise au programme de Terminale ne soit pas exclusivement centrée sur des enjeux littéraires. (Dans cette logique, mais à un degré d'évidence peut-être moindre, les élèves de S pourraient prendre le grec ancien en option lourde.) 2° Ayant enseigné également en collège à mes débuts, je dois dire que l'enseignement de la grammaire y est non seulement sinistré, mais également impossible : là où les professeurs de français des années 70 disposaient de 6 à 8 heures hebdomadaires pour faire cours (pour enseigner la correction de la langue et du style), il n'y en a plus désormais que 4h à 5h (pour enseigner, en plus, la "grammaire de texte")... Les professeurs de langue déplorent eux aussi l'anéantissement des structures grammaticales dans la tête des élèves : personne ne peut acquérir une deuxième langue (surtout l'allemand) s'il ne maîtrise pas la sienne. Mais bon... il faut faire avec. A partir de ces constats, ne serait-il pas judicieux de mener, en collaboration avec des professeurs sur le terrain, un travail universitaire de redéfinition du corpus scolaire, faisant la part plus belle aux auteurs dont le latin (ou le grec) n'était pas la langue maternelle ? Cela permettrait d'intéresser les élèves en faisant porter le programme sur une période d'histoire plus longue (auteurs médiévaux, humanistes et néo-latins, Lhomond...) et d'aborder les langues anciennes de manière plus intuitive, afin de construire une progression vers les textes vraiment classiques, en cessant de masquer l'indigence des apprentissages linguistiques par le commentaire d'image et la "civilisation". Le point de départ à partir duquel le professeur de latin doit désormais construire son enseignement est beaucoup plus modeste que celui que les programmes de langues anciennes évoquent implicitement.
Tout un programme !
Refonder les programmes de langues anciennes dans le secondaire. Sécuriser les parcours au Lycée : langues anciennes obligatoires en L; au collège : initiation aux sciences de l'Antiquité et aux langues. au lycée : thématique des sciences de l'Antiquité
Profiter de la refonte du CAPES des Lettres pour imposer une connaissance de la littérature antique voire de la langue
Élargir au sein des programmes le spectre des textes : spectre chronologique (latin tardif, médiéval, moderne…) et générique (inscriptions, etc…)
Renforcer le poids de l'histoire antique dans les programmes d'histoire du lycée où il n'y a qu'un chapitre de 6h maximum (évaluation comprise) en 2de (sur la citoyenneté à Rome et Athènes).
Préserver le programme d'histoire de 6ème qui est le seul à vraiment couvrir l'Antiquité dans sa globalité sur les 7 années du secondaire
Demander à rendre le latin obligatoire pour tous en 5ème et avoir du grec en 3ème dans tous les collèges
C'est en tant que professeur de Lettres classiques que je m'exprime. Et il ne faut pas croire que cette fâcheuse expérience est exceptionnelle. Nombre de mes collègues ont connu la même situation : l'indifférence de l'institution, voire son hostilité, est une réalité ! Il est triste de constater que l'enseignement des LCA dépend aujourd'hui de la bonne volonté des personnels de direction des établissements…
J'insiste sur le rôle des chefs d'établissements dans la préservation de ces options. Dans tous les établissements où j'ai enseigné, c'était un choix du ou de la principale du collège qui assurait cela.
Le discours sur l'inutilité des langues anciennes et de leur enseignement est, au moins en partie, un discours de discrimination. Il faut donc, dans une approche quasi-sociologique mais aussi ouvertement militante, déconstruire ce discours comme un discours de discrimination avec ses lieux communs charriant des clichés mais aussi ses techniques d'usure : à force de se faire répéter ce discours, par le ministère, par des collègues, des parents d'élèves et même les élèves qui le reprennent, les enseignant de Lettres classiques finissent par intégrer ce discours humiliant et l'idée que tout est perdu. Même de jeunes collègues !
Pourtant, Antiquité et langues anciennes
- évitent le "présentisme" : il faut avoir de la distance, étudier le passer lointain.
- initient à l'anthropologie et aux cultures très différentes.
Les divisions existantes entre histoire ancienne, archéologie et lettres classiques font qu'il est difficile pour un étudiant à l'université de se construire un parcours qui lui permette d'être un bon historien qui maîtrise vraiment latin et grec - au même niveau que les étudiants en histoire ancienne allemands par exemple. Comment faire pour, qu'en définitive, ceux qui réussissent le mieux à l'université française dans les Sciences de l'Antiquité (même si ce ne sont pas les seuls concernés) soient non pas des étudiants issus de prépas mais des étudiants formés complètement à l'Université ?
Le rapport de l’Inspection générale de l’éducation nationale (IGEN) présenté au ministre en aout 2011 par Catherine Klein et Patrice Soler fait un constat détaillé de l’échec de l’enseignement du latin : « Si les élèves qui se présentent à l’oral du baccalauréat ont, dans leur très grande majorité, bien travaillé les textes du programme, la question reste posée de savoir ce que l’on y évalue : leurs connaissances linguistiques sont très fragiles, de plus en plus, des traductions sont apprises par cœur, sans réelle maîtrise grammaticale. Les élèves ne parviennent pas à lire un texte bref en latin à la fin du collège. Au lycée, il faut reprendre pratiquement tout ; et le même constat est fait quant à la difficulté des élèves de traduire quelques lignes sans aide. Le constater n’est évidemment pas incriminer les professeurs dans leur ensemble. » Il faut donc revoir les finalités de l’enseignement qui ne peuvent plus être celles de l’époque où, dans les sections classiques, on faisait du latin presque tous les jours. Il faut donc viser autre chose. Ce pourrait être : au collège, apprendre à comprendre les centaines d’expressions latines du français, les mots grecs les plus présents dans notre langue. Au lycée à comprendre un texte latin sous-titré (qui respecte l’ordre du latin mais propose le vocabulaire nécessaire à la compréhension).
Alain Boissinot : "Certaines disciplines tendent à disparaitre. Regardez par exemple les langues anciennes. Elles n'occupent plus la place qui était la leur. On a besoin des disciplines mais vivantes, capables de dialoguer avec les autres. L'exemple de l'enseignement supérieur montre que des évolutions sont possibles. Actuellement dans l'enseignement supérieur on se rend compte que trop de spécialisation freine la réflexion et on voit se créer en université des formations à spectre large qui décloisonnent. Par exemple Paris Ouest a créé une licence humanités qui regroupe des lettres, de la linguistique, des techniques commerciales, de l'histoire. On voit aussi des bi-licences apparaitre", propos recueillis par fjarraud , le lundi 26 janvier 2015, dans le Café pédagogique.
Que pensez-vous des licences humanités qui se créeent dans différentes universités ?
Du cloisonnement français des disciplines Les étudiants de langues anciennes demandent souvent à pouvoir suivre des cours "d'histoire ancienne" dès la L1 ou la L2 ; les étudiants d'histoire souhaitent suivre les cours de "littérature" pour avoir accès à l'histoire des idées. Les nouvelles licences ne donneraient-elles pas l'occasion de gommer ces frontières disciplinaires qui n'ont pas grand sens, en créant par exemple une spécialisation progressive qui laisse les étudiants libres de choisir le cursus qui leur convient le mieux tout en le renforçant? Le blocage est souvent institutionnel en France avec des scolarités ou des sites différents, voire quelquefois une certaine méfiance entre gens de disciplines pourtant très complémentaires...
Quelle place pour les réseaux sociaux en matière de sensibilisation voire d'éducation? L'antiquité est très présente sur ces supports (Facebook, Twitter ...) . Par ailleurs les reconstitutions numériques rencontrent toujours un grand succès. Y a t-il une stratégie numerique spécifique grand public pour "l espace temps " Antiquité ?
Le début de l’année 2015 a été marqué par des événements qui ont, entre autres, fait porter la réflexion sur l’école, les valeurs qu’elle transmet et sa capacité à former des citoyens. Il a été question, à ce propos, de la place des humanités dans l’enseignement. Or, pour que celles-ci jouent pleinement leur rôle, elles doivent échapper à deux tentations, d’ailleurs liées : la tentation nostalgique tout d’abord, qui émanerait d’une conception simplificatrice et idéalisée de l’école de Jules Ferry, avec ses hussards noirs et ses blouses grises. La seconde tentation est cosmétique : un saupoudrage d’humanités dans des programmes déjà bien peu lisibles, un empilement artificiel de directives nouvelles sans que la cohérence de l’ensemble ne soit véritablement pensée. Comment donc, puisqu’il semble que chacun soit conscient de l’importance de l’héritage antique, lui donner toute sa place dans l’école d’aujourd’hui et de demain ?
Dans le monde moderne, quel type d'emploi peut-on décrocher avec un diplôme en lettres classiques ? Est-il toujours pertinent d'étudier les langues et civilisations anciennes ? Un reportage sur les Études classiques : Des racines et des ailes - Learning World
L'enseignement des langues anciennes est-il aujourd'hui adapté aux jeunes auquel il est destiné ? Ne faut-il pas lier davantage langue et culture, sans réduire celle-ci aux plus hautes sphères de l'esprit et de l'art ?
Lors de son interview de Paul Veyne, normalien, agrégé de grammaire, professeur honoraire au Collège de France, Christophe Ono-dit-Bio reçoit du grand historien de l’Antiquité la confidence provocatrice et "étrange" selon laquelle il faut supprimer le latin et le grec dans le secondaire :
Paul Veyne : « si vous voulez apprendre la latin de façon utile pour pouvoir le lire, il faut faire comme au temps des Jésuites, 20h par semaine ou rien; ce qu'on fait actuellement est une espèce de butte témoin, de reste, de moignon qui n'a aucun sens, qui a pour vertu de dégoûter les gens du latin ; alors qu'on supprime cela ! de toute façon les gens s'intéressent fortement à l'Antiquité classique gréco-romaine, ne seraient-ce que les péplum qui sont tout de même un symptôme, [..] qu'on fonde un institut solide, spécialisé dans le latin et le grec, de même qu'il y a l'institut des Langues orientales vivantes ».
Christophe Ono-dit-Bio : « Oui mais le gamin qui était comme vous, le Paul Veyne gamin, le héros de Et dans l'Éternité je ne m'ennuierai pas, (Albin Michel, 2014), qui trouve un bout d'amphore à 8 ou 9 ans, et qui du coup va se prendre de passion pour cette civilisation romaine puis grecque, et qui goûte au latin dans le système républicain, avec vous, il ne peut plus alors ! »
Retrouvez la suite de l'interview : http://www.lepoint.fr/culture/paul-veyne-les-metamorphoses-d-ovide-le-livre-latin-le-plus-amusant-26-11-2014-1884707_3.php