Rien de nouveau sous le soleil : au XXIe siècle, l’histoire continue d’alimenter les réflexions politiques, nourrissant aussi bien le roman national que les récits contestataires, les discours conservateurs aussi bien que progressistes, les arguments d’un camp comme ceux de son opposant… Les faits historiques et le patrimoine s’imposent comme des arguments d’autorité considérés comme objectifs par certains, pour établir des limites ou créer des ponts, fédérer un groupe ou l’opposer à d’autres. Qu’ils se nomment Reconquête ou Renaissance, dans un jeu d’opposition censé refléter l’échiquier politique, les partis politiques ne s’y trompent pas lorsqu’ils choisissent un nom de baptême.
Pour ce neuvième numéro de Frontière·s, nous avons invité les auteurs à s’intéresser aux usages récents du passé antique et médiéval dans l’élaboration des idéologies et des pratiques politiques contemporaines. Sujet désormais récurrent des spécialistes de la réception de l’Antiquité, les réécritures de l’histoire de Sparte, de part et d’autre de l’Atlantique nord, ouvrent le volume : Vivien Barrière et Jean Hedin notent l’importance du comics 300 de Frank Miller (1998) puis de son adaptation cinématographique par Zack Snyder (2007) dans la mise en place d’un discours politique étatsunien faisant de la cité grecque le modèle d’une société guerrière et eugéniste, seul rempart d’un Occident menacé par l’ennemi oriental ; Stéphane François et Adrien Nonjon en détaillent les déclinaisons en France d’une part et en Ukraine d’autre part en se focalisant sur les mouvements d’extrême droite identitaire. En attirant l’attention sur un usage précis de l’histoire, depuis des fouilles mises en oeuvre par un maire d’extrême droite en Roumanie (Mathieu Mokthari) à la diffusion d’une série syrienne sur la chute de Palmyre et Zénobie (Thomas Richard) en passant par un livre édité à Marseille (Pierre Vey), les contributions suivantes mettent en avant la plasticité et la diversité des situations. L’histoire est instrumentalisée par des acteurs et actrices situés aux deux bords de l’échiquier politique ; elle peut se faire vecteur d’un discours réactionnaire qui cherche dans un hier imaginaire un modèle idéal à reproduire (Enki Baptiste), nourrir une appropriation nationaliste d’espaces frontaliers (Lorette Hehn) ou au contraire servir à la survalorisation d’une identité locale perçue comme menacée (Florentin Briffaz).
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